RENCONTRE – Jean-Marie Poiré : « Nous nous sommes tant marrés »

Carlos Gomez | à 06h47

RENCONTRE – Jean-Marie Poiré : « Nous nous sommes tant marrés »

Ses films, dont Les Visiteurs, ont réuni 44 millions de spectateurs au cours de sa carrière. Le réalisateur producteur revient sur une folle vie de cinéma.

Son nom renvoie à une période dorée du cinéma français. Celle d’avant Bienvenue chez les Ch’tis, Intouchables ou Le Dîner de cons. Celle où une comédie française, Les Visiteurs, pouvait réunir près de 14 millions de spectateurs dans les salles, mettre tout le monde d’accord sur une certaine idée de l’humour et balayer alors l’idée reçue selon laquelle les films en costume seraient un « tue-l’envie » ! C’est en 1993 que Jean-Marie Poiré avait signé et réalisé cette mémorable fiction, cinquième long métrage français le plus vu de tous les temps. Okkkay !, on vous l’accorde, ça fait un bail. D’où l’intérêt qu’il y a à plonger dans l’autobiographie subjective que le cinéaste vient de commettre : Rire est une fête (Michel Lafon). Poiré y revient, dans un savant désordre, sur cinquante ans d’une carrière qui a connu peu d’échecs mais nombre de sueurs froides quand même.

Durant la création, difficile, des Visiteurs justement. Une entreprise compromise par la frilosité même de son producteur, Alain Terzian (qui vendra ses parts avant la sortie dans les salles), ou le manque de confiance en elle de Valérie Lemercier, pourtant révélation de ce succès. L’actrice a maintes fois raconté combien le tournage fut une souffrance. Des années après, Jean- Marie Poiré lui rend un hommage appuyé. « Je ne tenais pas à dérouler un récit chronologique de mes “faits d’armes” nous dit-il, souriant, depuis Bruxelles où il réside. Ç’aurait fait “recueil de mes plus beaux souvenirs”. Le jeu d’une nostalgie que je ne revendique pas. Car je ne suis pas du tout tourné vers le passé », poursuit celui qui travaille en ce moment sur le scénario d’une série. Depuis trois ans, son « meilleur copain » et partenaire Christian Clavier le voyait « penché sur sa copie, noircir des feuillets entiers d’anecdotes et de rencontres ». Ennemi lui aussi de la mélancolie, le comédien a cependant accepté de signer la préface du bouquin, estimant que ce témoignage à la première personne faisait honneur à l’esprit de création qui anime depuis toujours Jean-Marie. « A la lecture de ces pages, je dois reconnaître qu’il a usé d’un biais intéressant : j’ai le sentiment d’avoir vu un film. » Et un bon, s’empresse-t-on d’ajouter.

En termes d’écriture, Jean- Marie a été à bonne école, il est vrai. Ça aide. A 23 ans, il apprend les règles du scénario et du dialogue au côté de Michel Audiard, un ami de son père, le producteur Alain Poiré, dont le nom demeure associé à l’histoire de Gaumont. Plus tard, c’est au service de Robert Lamoureux et de la saga La Septième Compagnie que Poiré Jr peaufine son savoir-faire de « rafistoleur de scénarios », relate- t-il également. « En fait, ce n’est pas du tout la vie à laquelle j’aspirais, nous confie le réalisateur du Père Noël est une ordure. J’avais l’amour de la grande littérature et de la photographie, or j’ai fini par exercer une profession qui néglige globalement la première et sous-estime la seconde ! [Il éclate de rire.] Je force le trait, je vous l’accorde. Mais malgré tous mes efforts à une époque pour me distancier de l’univers paternel – et malgré tous les proches qui auraient préféré me voir devenir avocat –, j’ai fini par faire le même métier que lui. » Alain Poiré (1917-2000), dont le nom figure au générique de 310 films – des Tontons flingueurs au Grand Blond, de La Boum à L’As des as –, pardonnait tout à son fils. Sa fugue à 17 ans, par exemple, « et même le fait de lire L’Huma sous son nez à table », se souvient amusé Jean-Marie. L’anecdote le renvoie au début des années 1970 où, idéaliste, il s’imaginait « changer le monde ». Avec Christian Clavier, animé des mêmes envies, la période lui a inspiré une comédie, sortie en 1989, Mes meilleurs copains, son seul bide à ce jour. Le pater familias est une figure centrale du récit de Jean-Marie Poiré. Le septième art devait les conduire à être concurrents mais aussi partenaires, comme au moment de Twist again à Moscou, produit par Alain et réalisé par Jean-Marie. « Comme producteur, il ne m’a fait aucun cadeau, raconte le cinéaste, mais je ne lui en veux pas parce que, comme être humain, il m’a donné beaucoup. Sa bonne humeur et l’admiration qu’il avait pour l’humour. » Ainsi qu’il le couche : « Il n’était pas question de ne pas s’amuser chez nous. Des calembours miteux aux lectures les plus érudites, le rire était roi. » Le Journal de Jules Renard reste l’un de ces livres de prédilection. « L’oeuvre d’un génie », estime Poiré. Excellente de surcroît pour soigner nos rides dont il disait « qu’elles étaient des sourires gravés. »

Cet article était à retrouver dans le Gala N°1610, disponible le 25 avril dernier dans les kiosques. Pour suivre l'actualité en direct, vous pouvez rejoindre le fil WhatsApp de Gala. Le nouveau numéro de Gala sort ce jeudi 2 mai 2024. Bonne lecture.

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